La météo de 1730 à 1740
De 1730 à 1741, Begin, prieur curé de Creney, a noté à la fin de chaque année les faits les plus marquants dans la vie d’un village rural.
**Remarques présentées sous formes d’extraits, soit parce qu’elles ne contenaient rien d’exceptionnel, soit parce qu’elles étaient difficilement lisibles, ce que j’indique par les signes [??].
1730 : Il y a eu assez d’abondances en toutes choses…
1731 : L’année a été extrêmement sèche, les seigles, les orges, les avoines et les prés ont manqué. Il y a eu assez d’abondance de froment dans les bas pays, et de vin [??] . Cyron dans les seigles à cause du [??]
Cette même année 1731 a eu [??] à cause des accidents de feu, il y a eu quantité d’incendies en plusieurs lieux du pays [??] il y a eu deux grosses maisons de bruley [??] le troisième jour de Pâques [??]
1732 : Abondante en seigle, de longtemps on n’avait recueilli une si grande quantité. Le froment n’a pas si grainé, on a eu beaucoup de paille et peu de froment. Les prés ont produit beaucoup de foin, on a eu aussi assez de vin dans des endroits abondants mais dans d’autres médiocrement. Il y a eu de gros orages, le feu du ciel tomba à Culoison sur une maison [??]
1733 : Cette année 1733 n’a pas été si abondante que l’année passée on a recueilli peu de vin on eut aussi douleur dans beaucoup d’endroits de la Champagne. Des souris et des mulets mangeaient les blés, les avoines et les sarrazins. On a fait des processions pour implorer [??] de dieu afin de les détruire, on a dit pour cela les prières marquées dans [??], ils n’ont pas laissé que de manger encore les blés [??]. Ceux du village de Bouranton outre les processions et prières de l’église ont procédé contre eux juridiquement, ils leur ont donné assignation le 4 septembre par Tisserand sergent contrôlé à Piney par Paris et ont nommé Nicolas Gublin pour être leur procureur, et le nommé Toyé procureur fiscal dudit Bouranton plaidait contre eux. La cause a été plaidée et le siège tenu et il est intervenu une sentance par le juge nommé Louis Gublin dont voici la teneur et tirée (?) d’un registre du greffe de Bouranton.
« Du jeudi septième jour du mois de septembre mille sept cent trente trois au lieu accoutumé à tenir les audiances ordinaires de la justice de bouranton par devant nous Louis Gublin juge mayeur et du procureur fiscal en cette justice tenant en main le fait de [??] demandeurs aux fins de l’exploit de Tisserand sergent en date du quatre septembre [??] comparait ledit sergent procureur fiscal [??] et procureur en sa cause contre les rats et souris appelés les mulets qui sont tant dans les granges [??] du village et finage de Bouranton, tant dans les emblaves bleds vignes et aussi [??] font grands deccas et dommages et encore contre Nicolas Gublin deffendeur comparant en [??] pour les dits animaux qui a dit et remontré qu’ils sont des animaux que dieu a créé ou du moins permis d’être créé et qu’il est bien juste qu’ils vivent. Réplique par le dit sergent demandeur qu’il ne reproche pas la nourriture des dits animaux et qu’il est prest de leur indiquer l’endroit et place pour les mettre qui a dit qu’il demande le temps de trois jours pour se retirer.
Les parties ouïes nous leur avons fait acte de leur dire et plaidoyer cy dessus et sans avoir égard aux remontrances faites par ledit sieur Gublin défendeur attendu les grands peines et dommages que font lesdits animaux nous avons toutes lesdites parties de Gublin condamné à se retirer incessamment dans trois jours à compter d’aujourd’hui des maisons et granges emblaves vignes et terres cultivées dépendant du finage et territoire de ce lieu sauf [??] estant non cultivées et grands chemins si beau et bon leur semble pour qu’elles ne puissent point faire de sort ni dommage.
1734 : Cette année 1734 a été féconde en froment en orge et abondante en avoine mais en seigne on n'en a presque point recueilli ayant eu une grande quantité de pavot monté par dedans les seigles, cela vient de ce que les souris avaient mangé les seigles en herbe et les pavots ont pris le dessus.
Il n'y a pas eu beaucoup de vin et on a eu presque des pluies continuelles en faisant vendanges.
1735 : Cette année a été très pluvieuse les mois de mai juin juillet ce qui a donné beaucoup de [??] dans les seigles qu'on a eu bien de la peine à ramasser à cause des pluies, dont il y a eu du germé dans les traits, le froment n'a pas été bien abondant mais il y a eu beaucoup d'avoine. Peu de vin ayant coulé, encore a-t-il été bien verd n'ayant pas été nourri par la chaleur.
1736 : Cette année on n'a point fait de vin les vignes ont gelé.
1737 : Cette année a été fâcheuse par les gresles, il n'y avait point de nuée qu'il n'y tombât de la gresle, bien des pays en ont subi les dommages, notre contrée [??] dans les vignes aux gilains et la voie du frête ont été gâtés par la gresle et on a été obligé de faucher les seigles sans être à maturité. Les avoines furent greslées en Vaux Chapois mais à Villechétif il n'y avait plus rien dans leurs avoines que de la paille. Les vignes s'en sont ressenti aussi et on n'a pas laissé que de recueillir encore du vin comme en pleine année dans les vignes qui ne se sont pas ressenti de la gresle.
1740 : Cette année a été bien pluvieuse, de mémoire d'homme on n'a point vu les eaux si grandes, il y en avait dans plus de vingt maisons de ce lieu, à peine y aurait-on passé à cheval dans la rue de l'écrevolle. On a eu bien de la peine à ramasser les bleds seigles orges et froments, la plupart de ces grains ont été germés et sans l'orge on aurait bien de la peine à faire du pain. Avec le seigle la récolte de froment n'a pas été abondante ce qui a causé la cherté du grain dans la France, on appréhendait une grande famine.
Le comble du malheur a été une grande gelée dans la première semaine d'octobre et le dimanche ensuite, les vignes ont été gelées, les raisins gois n'ont point venu à maturité. Les pinots qui étaient à moitié vaire n'ont point venu à maturité, on les a cueilli tels qu'ils étaient, la plupart ont laissé leurs raisins gois dans les vignes sans les cueillir, ceux qui en ont fait du vin ce n'était que du verjus.
On a fait des prières publiques pour prier Dieu de faire cesser l'inondation qui était si grande qu'un cheval aurait eu bien de la peine à passer à la Trinité ce qui a obligé ces messieurs d'abandonner leurs maisons et leur église pendant sept ou huit jours, n'ayant point eu d'office depuis que le débordement a commencé à inonder le faubourg Saint Jacques.
Les pluies ont duré jusqu'au mois de février en l'an 1741, ensuite on a eu une sécheresse et des gelées qui ont gelé les vignes des gois, les fruits les navets, et dure encore au mois de may.
** Le couvent de la Trinité était installé faubourg de Preize à Troyes. "Ces messieurs" sont les religieux de ce couvent, qui possédaient aussi un moulin et d'autres biens.